Parfums d’Haïti

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Tandis que sa fille lui apporte des mets haïtiens, un homme en phase terminale lui dévoile ce qu’il a subi sous le régime Duvalier.

Montréal, hiver 2011. Alors que Jean-Claude Duvalier est de retour en Haïti après 25 ans d’exil, Reynold (Gilbert Laumord, d’une autorité naturelle), qui a fui la dictature, est cloué au lit par un cancer de l’estomac. Sachant ses jours comptés, il souhaite revoir sa fille Vanessa (Marie-Évelyne Lessard, excellente) avec qui il est en froid depuis 20 ans. Malgré la violence que son père a infligée à sa famille, Vanessa accepte de se rendre à son chevet.

Avec la complicité de sa tante Dado (Mireille Metellus, solaire), Vanessa mitonne les mets préférés de son père. Au fil des repas que lui apporte sa fille, Reynold lui raconte sa jeunesse à Port-au-Prince. Promis à un bel avenir, le jeune Reynold (Fabrice Yvanoff Sénat, bouleversant) a été, comme plusieurs de ses compatriotes, emprisonné pour une raison arbitraire par les tontons macoutes à Fort Dimanche.

Grand prix du Festival de cinéma de la ville de Québec (FCVQ), premier long métrage de fiction de Maryse Legagneur (Au nom de la mère et du fils), Le dernier repas repose solidement sur un scénario écrit avec Luis Molinié (le court métrage Mamita), lequel est inspiré d’entrevues menées par la réalisatrice avec des survivants de Fort Dimanche. D’emblée, la rigueur et le souci d’authenticité propres à la lauréate de la dernière édition de La course destination monde s’imposent dans ce film où l’humanité, la dignité et la beauté s’opposent aux pires atrocités.

Tour à tour douloureux devoir de mémoire, sensuelle lettre d’amour à la perle des Antilles, déchirant drame familial sur la réconciliation et persévérante quête de vérité, Le dernier repas se décline en deux époques au gré d’une mécanique un peu rigide à laquelle le montage de Myriam Magassouba et la musique de Jenny Salgado apportent une douce fluidité.

À la photo, Mathieu Laverdière compose des contrastes saisissants entre les couleurs vives du marché de Port-au-Prince, où Reynold croque à belles dents dans une mangue, et la lumière glauque qui envahit la prison, ainsi qu’entre la blancheur clinique de la chambre de Reynold et la lumière réconfortante qui enveloppe la cuisine de Dado. Par ailleurs, les plats fumants qui défilent à l’écran, dont la soupe joumou, symbole de l’indépendance du peuple haïtien, donnent l’eau à la bouche.

Alors qu’Henri Pardo, qui racontait à hauteur d’enfant les traumatismes découlant du régime Duvalier dans Kanaval, suggérait plus qu’il ne montrait les violences subies par les Haïtiens, Maryse Legagneur a préféré illustrer la cruauté et la brutalité de manière frontale. À l’instar de son confrère, la cinéaste a toutefois insufflé un soupçon de poésie dans son invitation à briser le silence sur les blessures du passé.

En salle

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