Thriller sensoriel sur les traces d’un criminel de guerre

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Dévoilé lors de la semaine de la critique à Cannes, le réalisateur Jonathan Millet offre un récit d’espionnage haletant dans lequel un opposant au régime de Bachar Al-Assad traque celui qu’il pense être son ancien bourreau.

Ancien professeur de littérature et opposant au régime Syrien, Hamid (Adam Bessa) a été envoyé dans la prison de Saidnaya aux environs de Damas. Aujourd’hui réfugié à Strasbourg, il fait partie d’une cellule secrète de citoyens syriens, la «cellule Yaqaza» qui s’occupe de débusquer d’anciens membres du régime en fuite. Hamid pense être sur la trace de ce son tortionnaire. Et son intuition le pousse aux portes d’une filature à haut risque dans les allées de l’université de Strasbourg. Obnubilé par cette chasse et pressé de se réapproprier une vie qu’on lui a volé, Hamid ne ferait-i pas fausse route?

Ancien étudiant en philosophie, cinéaste-voyageur et documentariste, Jonathan Millet réalise en 2012 «Ceuta, douce prison». Il y explore les conditions désastreuses de l’accueil des migrants qui débarquent en Espagne. Aujourd’hui, il signe à 39 ans un brillant premier long-métrage aux formes de film d’espionnage. Soucieux d’étudier les traumas de guerre, Jonathan Millet rencontre pendant une année de nombreux réfugiés syriens en France et en Allemagne, c’est là qu’il entend parler pour la première fois parler de ces opposants au régime, qui avec une infinie prudence, traquent des criminels de guerre sous couverture en Europe.

Cruelle ironie du réel, ces cellules d’investigations (qui communiquent anonymement dans des forums de jeux vidéo de guerre) pourchassent des criminels dont ils n’ont jamais vu le visage. Le bourreau ne souhaitant pas voir le visage de ses victimes, c’est donc un sac sur la tête qu’Hamid subit la torture. Aussi, «Les Fantômes» devient une énigme sensorielle au travers de laquelle Hamid (formidablement interprété par Adam Bessa) épie, à l’université de Strasbourg, cet étudiant en chimie dont il pense reconnaitre l’odeur, les pas…

Thriller à l’épreuve des sens et de la mémoire, Jonathan Millet signe une réalisation d’une précision clinique, à l’orée du documentaire, pour capter l’indicible et l’invisible. «Les Fantômes» illustre aussi le sort de la communauté syrienne en exil, leurs conditions de vies, leur deuil et la méfiance inhérente à la répression imposée par le régime. Avec son titre à la double interprétation poétique, «Les Fantômes» fait écho à cet ancien membre de l’EI qui se faisait appeler «le chimiste», débusqué en 2019 par cette fameuse «cellule Yaqaza» à Kassel en Allemagne. À la fois instructif autant qu’un excellent objet de cinéma, «Les Fantômes» fait partie de ses œuvres bien trop rares dans les salles.

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